Donald KABERUKA, président de la BAD : "La coopération transfrontalière contribue à l’accélération du processus d’intégration“

À l'occasion de la Conférence régionale du CCT-UEMOA, qui s'est tenue à Dakar sur le thème "La coopération transfrontalière, levier pour le développement et la paix : les territoires construisent par dela les frontières", le président de la Banque africaine de développement a répondu aux questions de Global local forum. Donald KABERUKA, qui préside la BAD depuis 2005, est un économiste unanimement reconnu. Il fut auparavant ministre des finances et de la planification économique du Rwanda. Il a fait de la BAD l’une des références en matière de gouvernance.
La Banque africaine de développement est pleinement engagée pour le développement économique et le progrès social des pays africains. La BAD compte t-elle « institutionnaliser » un appui direct aux collectivités décentralisées ?
La BAD intervient dans le financement du développement des pays et elle soutient les projets d’intégration des Communautés Economiques Régionales du continent Africain (CEDEAO, SADC, EAC, UMA, IGAD, CEEAC, COMESA ) en particulier dans le domaine des infrastructures, de la facilitation d’ échanges commerciaux et du renforcement des capacités. A ce titre, une attention particulière est accordée aux projets régionaux soutenant le développement des pays vulnérables tels que la zone de l’Union pour le Fleuve Mano où nous finançons un projet d’interconnexion ou bien la zone du Sahel où nous préparons un programme de résilience à l’insécurité alimentaire. De plus, la BAD soutient des projets transfrontaliers qui regroupent plusieurs régions de pays vulnérables qui s’aligne à la fois à la stratégie de la Banque en matière d’intégration régionale et les objectifs CER. C’est le cas pour la Table Ronde, une étude de préparation du programme financé par la BAD. Cette étude consiste à regrouper les bailleurs autour du programme de développement du territoire de l’Autorité du Liptako-Gourouma. Ce projet se trouve sur un territoire transfrontalier qui est à cheval sur les frontières du Burkina, du Mali et du Niger et concentre 45% de la population totale des 3 pays réunis et 20% de leur superficie totale soit plus de 16 millions d’habitants en 2002.
Quelle importance accordez-vous à la coopération transfrontalière comme facteur d’intégration régionale ?
L’intégration régionale s’appuie sur les accords de partenariats, de facilitation, et d’autres arrangements institutionnels entre des pays composés eux-mêmes de sous-espaces provinciaux, départementaux, régionaux,…. La coopération de proximité, entre les territoires frontaliers de ces pays, contribue à leur intégration et il est souhaitable qu’à travers le processus de décentralisation qui se généralise dans les pays d’Afrique, le développement de la coopération transfrontalière puisse contribuer à l’accélération du processus d’intégration des pays. C’est en ce sens que la BAD a approuvé pour la seconde fois, le financement des études d’extension du Port Autonome de San Pedro et des liaisons routières au Mali, au Libéria et en Guinée à travers les fonds IPPF. Ce port créé dans le cadre du premier programme de décentralisation (aménagement de la Région du Sud-Ouest), pour désenclaver l’Ouest de la Côte d’Ivoire, sera ainsi le plus proche des zones économiques à l’Est des deux pays voisins qu’il va desservir.
La coopération internationale décentralisée des villes africaines avec les villes et régions des autres continents peut elle constituer une piste à creuser ?
Dans la coopération internationale décentralisée, le concept de jumelage des villes africaines avec des villes situées sur d’autres continents, se traduit en terme de transfert de compétence, de formation, d’équipement, des projets généralement de petite d’envergure…C’est un moyen supplémentaire de soutenir les projets de développement culturel, économique et social de nos villes et collectivités locales et, il rejoint en cela, des piliers de la stratégie de développement de la BAD en matière d’éducation, santé, renforcement de capacité. Le document de la politique de développement urbain de la BAD a évoqué ce concept qui pourrait s’élargir.
Que pensez-vous de l’émergence de think tank comme Global local forum qui peuvent être, pour la BAD, une des sources de réflexion stratégique sur le développement des territoires et l’intégration régionale en Afrique ?
Je remercie Global local forum pour l’occasion qui m’a été donnée d’échanger sur la relation de la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales et sur l’intégration de leur pays respectifs à l’ensemble de la région qui les entourent. Je pense que de telles initiatives sont à encourager. Le groupe de réflexion a proposé un sujet innovant et qui peut être approfondi dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de développement urbain et, de la révision de la stratégie d’intégration régionale de la BAD. Il y a, au sein de la BAD, un cadre propre de réflexion que ce type de démarche pourrait intéresser notamment les départements de la Recherche, ECON, et des politiques d’intégration régionale.
(Propos recueillis par Pierrick Hamon)